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Mots & maux

Invitation à la réflexion sur des questions profondes


Bâle III

Publié par Eco-Tunisie sur 29 Octobre 2011, 08:12am

Catégories : #Banques

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Nul ne peut ignorer les risques auxquels les banques sont exposées dans le cadre de leur activité d'intermédiation et de marché. Elles sont intrinsèquement vulnérables du fait de l’asymétrie de leur bilan :

- A l’actif les avoirs et créances sont incertains en  valeur et en volume et peu liquides

- Au passif les engagements sont certains en volume et incertains en valeur et très liquides (dépôts à vue)

Sans oublier le risque latent du hors bilan car in fine les engagements par signature sont des risques bilantiels

 En dépit des risques inhérents, les banques ne cessent de prendre des risques excessifs croyant que risque et rendement vont dans le même sens. Une exposition pareille, en l’absence de gardes-fou institionnels, constitue un véritable risque systèmique aux conséquences désastreuses.

La prise de risque chez les banques

On dénombre 4 principaux canaux:

1.    l’effet yield appetite : si les taux d’intérêt (à court et long termes) sont bas, et surtout si les opérateurs pensent qu’ils vont le rester assez longtemps, les investisseurs (et les banques) recherchent des actifs plus risqués pour leurs placements. L’aversion au risque diminue, à la fois parce que les comportements de prise supplémentaire de risque sont intégrés par les marchés (offre et demande) et parce qu’ils sont validés par la montée des valorisations boursières et des revenus

2.    l’effet concurrence : dans un contexte de liquidité abondante et de concurrence croissante, les banques sont incitées, soit à prêter de plus en plus, donc à réduire leurs marges d’intérêt, à diminuer leurs demandes de collatéraux soit à racheter les actions. Mais elles iront plutôt dans la voie de crédits supplémentaires, pour des raisons, disent-elles, de clientèle, de parts de marché, de maximisation de profit sur longue période.

3.    l’effet accoutumance au risque : en phase d’activité ascendante, compte tenu du fait que les sinistres ne se manifestent pas (encore), l’aversion au risque diminue


4.
    l’effet « financiarisation des comportements bancaires »  : la phase de taux bas lie les besoins de financement de la banque à la situation des marchés. L’horizon temporel de la banque se réduit au fur et à mesure qu’elle obtient une part croissante de son funding et de ses revenus par les marchés. Cette double tendance, à la montée des crédits au moment où les taux d’intérêt sont faibles et à la financiarisation des comportements de la banque se poursuit d’autant que :

-       les agents pensent que cette situation de taux bas va se prolonger, autrement dit que le risque inflationniste est sous contrôle ;

-       les mesures de risque ne prennent pas réellement en compte les effets potentiels de ces nouveaux crédits. Les valorisations des actifs se trouvent en effet plutôt accrues, ce qui diminue leurs probabilités anticipées de défaut , de pertes sur crédits (Loss Given Default – LGD) ;

 Le comportement de la banque se met à changer. Elle passe d’une logique de transformation, qui consiste à suivre sa liquidité, à mesurer et escorter le risque de contrepartie dans la durée, à une logique de refinancement par les marchés qui est, à la fois, plus globale, plus à court terme, et plus rentable (du moins dans l’immédiat).

 Le risque systèmique

Selon l’analyse la plus répandue, le risque systémique trouve sa source dans les échecs du marché, d’une part, et dans l’existence de mécanismes de propagation et d’amplification des risques, d’autre part (Banque d’Angleterre, 2009).

Trois types d’échecs du marché peuvent ainsi conduire au risque de système :

      - problème d’incitation : certaines politiques (assurance des dépôts et bonus) et surtout certaines innovations (titrisation) ont des effets négatifs non désirés, poussant à des prises de risque d’autant plus fortes qu’elles ne sont pas perçues ;

      - problème d’information : les marchés échouent en situation d’asymétries d’information conduisant les créanciers à douter de la qualité des titres (sélection adverse) ou lorsque les créanciers sont dans l’incapacité d’observer l’action des banques dans le cadre de la relation principal-agent (aléa moral), ce qui peut conduire à des paniques bancaires ;

      - problème de coordination : les acteurs financiers jugent la performance d’un acteur individuel à partir des benchmarks du marché. Cette forme de coordination favorise des comportements mimétiques qui conduisent à des emballements pouvant donner lieu à des bulles financières.

Deux mécanismes contribuent à la propagation et à l’amplification des risques systémiques :


 le phénomène de procyclicité : les institutions financières, ainsi que des entreprises industrielles et des ménages ont collectivement tendance à sous-estimer les risques et à se surexposer aux risques pendant la phase ascendante des cycles du crédit, et, symétriquement, à surestimer les risques et à faire preuve d’une aversion excessive au risque dans la phase descendante du cycle ;

 la présence d’externalités : les banques individuelles sont dans l’incapacité de prendre en compte les effets de leurs comportements sur le reste du système financier (spill over effects).

      L’ensemble de ces comportements et de ces imperfections conduit à une transmission des tensions au sein du système financier et à la sphère réelle de l’économie à travers deux canaux principaux : les effets de levier et les déséquilibres au sein des bilans (maturity mismatch).

      La politique macro-prudentielle doit donc chercher à :

• réduire les imperfections de marché ;

• réduire la procyclicité spontanée des acteurs financiers en favorisant

 

Exigences de Bâle III

Les propositions formulées par le Comité visent à harmoniser davantage la définition des fonds propres réglementaires et à renforcer la capacité d’absorption des pertes des établissements de crédit, notamment en augmentant la qualité des instruments éligibles à une inclusion dans ces fonds propres.

 1- La structure des fonds propres réglementaires serait ainsi simplifiée avec une importance de loin moindre des capitaux hybrides:

 d’une part, les fonds propres de base ou « Tier 1 », permettant principalement d’absorber les pertes en continuité d’exploitation ;

 d’autre part, les fonds propres complémentaires ou « Tier 2 » regroupés en une seule catégorie (et non en deux niveaux comme actuellement), permettant principalement d’absorber les pertes en situation de liquidation.

 L’actuelle catégorie des fonds propres surcomplémentaires ou « Tier 3 », destinés à la seule couverture des risques de marché, serait supprimée.

 2- La qualité des fonds propres de base ou « Tier 1 » serait renforcée. En effet, ces derniers devraient être composés, de manière prédominante, d’actions ordinaires, des réserves et du report à nouveau, de façon à définir un noyau dur ou « Core Tier 1 ». Seules les actions ordinaires pourraient être admis dans ce noyau dur.

De surcroît, les autres éléments du « Tier 1 » non admis en « Core Tier 1 » devraient remplir certaines conditions permettant de s’assurer de leur qualité. Ils devraient notamment être subordonnés (au remboursement de tous les autres créanciers), non datés, sans incitation de rachat (les instruments innovants, tels que ceux présentant une progressivité de rémunération ou « step-up » seraient ainsi exclus) et assortis d’une flexibilité totale des paiements devant rester à la disposition de l’émetteur. 

Les instruments admis en fonds propres complémentaires ou « Tier 2 », dont notamment les instruments hybrides de dette et de capital[1], devraient tous respecter les mêmes conditions, dont la subordination aux créances ordinaires et une maturité initiale d’au moins cinq années.

  3- Les ajustements réglementaires (filtres prudentiels et déductions) seraient harmonisés et appliqués  au niveau du «Core Tier 1», et non, comme actuellement  pour certains d’entre eux, à hauteur de 50% sur le «Tier 1 » et de 50% sur le «Tier 2». Ainsi, les éléments suivants seront déduits en totalité du « Core tier 1 »[2] :

 -          les écarts d’acquisition ou « goodwill » et immobilisations incorporelles ;

-          les investissements en actions propres ;

-          les participations dans les établissements de crédit et compagnies d’assurance non inclus dans le périmètre de consolidation prudentielle ;

-          les actifs d’impôts différés dont le recouvrement dépend de la réalisation de profits futurs ;

 4- Les nouvelles exigences minimales

Les décisions qui viennent d’être prises au sein du Comité de Bâle  par les banques centrales et les régulateurs bancaires de 27 pays[3], et qui seront discutées lors du prochain sommet du G20 à Séoul, tournent autour des points suivants :

a- Exigences liées au « Core Tier 1 »

Il a été décidé de porter le ratio des fonds propres de meilleure qualité « ratio core Tier 1 », correspondant aux actions ordinaires et aux bénéfice mis en réserves pour absorber les pertes éventuelles, à 4,5% du total actif pondéré par les risques contre 2% actuellement.  Cette mesure devra entrer en vigueur à partir de 2015.

b- Exigences liées au « Tier 1 »

Le Tier 1 inclut les éléments du « Core tier 1 » en plus d’autres éléments admis sous certaines conditions comme indiqué ci-haut. L’exigence réglementaire actuelle d’avoir « un ratio Tier 1 » minimum de 4% des actifs pondérés par les risques a été portée à 6%.Cette mesure devra entrer en vigueur à partir de 2015.

c- Exigences de constitution de coussin de capital de précaution

La mise en place de coussin de capital via l’instauration de l’obligation pour les banques de constituer un « matelas de précaution » sous forme d’actions ordinaires incluses dans le Core Tier 1 représentant 2,5% du total actif pondéré par les risques, et ce progressivement de janvier 2016 à janvier 2019.

L’objectif de ce coussin de capital est de s’assurer que les banques détiennent suffisamment de capital susceptible d’être utilisé pour absorber les pertes en période de crise économique ou financière. Cette mesure permettrait de renforcer l’objectif d’une supervision bancaire efficace et d’une bonne gouvernance.

d- Exigences de constitution de coussins de capital macro-prudentiel

La création d’un coussin macro-prudentiel dont le montant dépendrait des variables macro-économiques (il augmenterait pendant les phases d’expansion  et diminuerait dans le cas contraire). Cette mesure vise un objectif macro-prudentiel de protection du système bancaire durant les périodes d’octroi de crédit excessif. 

Ce coussin contracyclique constitué des actions ordinaires ou d’autres éléments du capital a été fixé dans une fourchette de 0 à 2,5% du total actif pondéré par les risques. Il n’aurait pas vocation à devenir une règle de pilier 1 mais un instrument souple à la disposition de chaque autorité prudentielle.

 En somme le nouveau cadre d’exigences en fonds propres se résume comme suit

 APR : Actifs pondérés par les risques

 Cette réforme étant prévue pour 2019 se fera d’une manière progressive sur plusieurs étapes selon le schéma suivant :

 Ainsi, comme le montre le tableau de la transition, la mise en place débutera à partir du 1er janvier 2013 ; où les banques devront satisfaire les nouvelles exigences minimales suivantes :

ü  Ratio  (Core Tier 1 / APR)  >= 3,5% contre 2% actuellement.

ü  Ratio Tier 1(Core Tier 1 + Autres éléments) / APR>=4,5% contre 4% actuellement.

ü  Ratio (Fonds propres / APR) >= 8%

A partir de janvier 2019, et après cette phase transitoire, les nouvelles exigences minimale seraient comme suit :

ü  Ratio  (Core Tier 1 / APR)  >= 4,5%

ü  Ratio Tier 1 (Core Tier 1 + Autres éléments) / APR >= 6%

ü  Ratio (Fonds propres+ Coussin / APR) >= 10,5%

Le coussin de capital de précaution sera mis en place progressivement entre 1 janvier 2016 et fin 2018 pour entrer en vigueur à partir du 1 janvier 2019. Il commencera par la constitution de 0,625% des actifs pondérés par les risques le 1er janvier 2016 et augmentera pour atteindre son niveau final de 2,5% en janvier 2019.


[1] Les instruments hybrides de dette et de capital ne sont pas prévus  dans la réglementation Tunisienne et ne sont pas inclus dans les fonds propres des banques.

[2] En Tunisie, cette déduction prudentielle se fait déjà  sur la base du noyau dur des fonds propres comme envisage de le faire le Comité de Bâle à travers cette réforme.

[3] Document « Group of Governors and heads of supervision announces higher global minimum capital standards » Comité de Bâle – 12 septembre 2010.

 

Core Tier 1

Tier 1

Fonds propres

Exigence Minimale

Core Tier 1 / APR >= 4,5%

Tier 1 / APR >= 6 %

Fonds propres / APR >= 8,0

Coussins de capital de précaution

Coussin (éléments du Core Tier1) / APR = 2,5%

 

 

Exigence Minimale + Coussins de capital de précaution

(Core Tier 1+ Cousin) / APR >= 7 %

(Tier 1 + Coussin) / APR  >=8,5 %

(Total fonds propres + Coussin ) / APR >= 10,5%

coussins de capital macro-prudentiel

Coussin (éléments du Core Tier1 + d’autres éléments du capital) / APR entre

0-2,5 %

 

 

 

2010

2013

2014

2015

2016

2017

2018

01/2019

Core Tier 1 / APR

2

3,5

4

4,5

4,5

4,5

4,5

4,5

Coussin (éléments du Core Tier1) / APR

 

 

 

 

0,625

1,25

1,875

2,5

(Core Tier 1+ Cousin) / APR

 

3,5

4

4,5

5,125

5,75

6,375

7,0

Autres éléments du Tier  1 (Instruments hybrides) / APR

2

1

1,5

1,5

1,5

1,5

1,5

1,5

Tier 1 (Core Tier 1 + Autres éléments) / APR

4

4,5

5,5

6,0

6,0

6,0

6,0

6,0

Fonds propres / APR

8

8

8

8

8

8

8

8,0

(Fonds propres + Coussin ) / APR

 

8

8

8

8,625

9,25

9,875

10,5

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A
<br /> Bâle III est-il la solution?<br /> <br /> <br />  <br />
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