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Mots & maux

Invitation à la réflexion sur des questions profondes


Un an après la révolution tunisienne : Cri d’alarme d’un citoyen

Publié par Eco-Tunisie sur 22 Février 2012, 07:54am

Catégories : #Divers

 

Diagnostic effectué par Chaker ATALLAH - Citoyen tunisien

Avant janvier 2011, j’ai longuement rêvé d’une révolution dans mon pays qui métamorphoserait tous les systèmes existants et qui donnerait une grande bouffé d’oxygène à mon peuple dégoûté par les pratiques mafieuses de «certaines familles», qui nous ont sauvagement pillés et qui nous ont trop cauchemardé la vie.

Mais hélas, tous mes rêves ont été précipitamment détruits et mon réveil semble amèrement difficile, puisque au terme d’une année de l’avènement de cette révolution, tout a changé en Tunisie, malencontreusement vers le mal.

Au bout de cette année post révolutionnaire, j’ai voulu dresser un bilan. Contrairement à ce qu’on avait espéré avant, le résultat est sombre et négatif. Ce que j’ai constaté et que je vais vous détailler ci-dessous, ne fera peut-être pas l’unanimité parmi vous, mais hélas, c’est une vérité. Et comme toute vérité, elle se doit d’être dite, aussi triste soit-elle.

A mon sens, le résultat du bilan de la révolution en Tunisie n’est pas du tout encourageant. Jugez-en, par vous-même:

Bilan économique :

 Economie ruinée dont la croissance a subi un arrêt brutal en 2011 (1er  taux négatif depuis 1986: -1.8%)  et on s’attend en 2012 à un résultat pareil, si les conditions persistent !

Effondrement dramatique du secteur touristique (en 2011, selon le Ministère du Tourisme, les recettes touristiques ont chuté de 33% par rapport à 2010). Rappelons que ce secteur contribue à hauteur de 7% au PIB, génère chaque année entre 18 et 20% des recettes en devises, couvre 56% du déficit commercial et emploie 400 mille personnes.

Une pénible chute des investissements qui génèrent les emplois.

Un taux de chômage galopant et catastrophique : le nombre des chômeurs n’a cessé de croître, en passant de    491 mille en 2010, à plus de 800 mille à fin 2011, soit 20% de la population active !  

Une flambée des prix des produits alimentaires sans précédent à cause d’une grande absence des systèmes de contrôle des prix et de coercition des contrevenants. Cette flambée a affecté horriblement le pouvoir d’achat des tunisiens, notamment les plus démunis.

Baisse du rating de la Tunisie qui est devenu sous la grande pression des 3 grandes agences internationales de notation : il y a un risque très fort de dégradation de la note du pays au «Speculative Grade».

Assèchement douloureux de nos réserves en devises. On est à 110 jours d’importation contre 147 jours à fin 2010.

Des difficultés financières sans précédent pour certaines entreprises et banques du pays.

Bilan social :

Eclatement de la pauvreté et de la misère : descendez dans les souks et dans les rues et vous-en serez heurtés !

La société se divise de plus en plus  (voire au sein d’une même famille, entre mécréants «Kofar», musulmans, laïcs, salafistes, modernistes, majorité, minorité ...) et se renferme dangereusement : il y a moins de tolérance, moins de civisme, moins d’ouverture. Il y a même une banalisation choquante de l'extrémisme qui s’éclate sous couvert de "la liberté d'expression". J’observe dans ce cadre  une forte vague d’ignorance et de dogmatisme qui frappe sévèrement mes concitoyens, ainsi qu’une montée facheuse de la haine, d’une part entre tunisiens et d’autre part, envers les non musulmans.

Notre société est devenue plus violente sur les plans verbal et physique. Regardez l’accroissement de la criminalité et la banalisation de l’agression physique des intellectuels. Regardez comment notre jeunesse est en train d'être contaminée et intoxiquée par certaines idées folles et monstrueuses, et comment leur cervelle a été salie par des idioties....

Depuis une année, la Tunisie n’abrite que des meetings de prêcheurs et de prédicateurs au lieu d’abriter des colloques scientifiques internationaux qui regrouperaient de grands investisseurs et de célèbres économistes, dont notre pays a tant besoin dans cette étape cruciale afin de discuter de nos vrais problèmes ...

Constatation d’une perte généralisée de la confiance des tunisiens dans leurs systèmes, dans leurs acquis et dans l'avenir de leur pays. Le tunisien est devenu démoralisé, désespéré, triste, anxieux, dépressif, et perdant son sens habituel de l’humour...

Multiplication inquiétante des sit-in anarchiques et prolifération inédite des grèves illégales paralysant l’ensemble du système économique. Ceci est en parallèle avec la propagation de la pratique «Dégage» que certains utilisent abusivement pour écarter leurs rivaux, en dépit du niveau de compétence. Et aussi de la prolifération de l'anarchie et de l’indiscipline au nom de la liberté : Ceci est remarquable ostensiblement à l’œil nu, dans les souks, les rues, les magasins, partout où l’on va .....  

Accroissement des difficultés des tunisiens à mener des discussions calmes et respectueuses ainsi qu’à accepter les idées différentes des autres. D’ailleurs, dès que quelqu’un ne partage pas leurs idées, il entend les pires accusations et les pires insultes de sa vie, il sera traité de pro-Ben Ali, RCDiste, Eytem Bourguiba, traitre de la nation, pro-sioniste, sale-francophone, mécréant, chien laïc, gauchiste, ordure, déraciné, anéanti, homosexuel, zéro virgule, contre révolutionnaire, qui ne respecte pas la volonté du peuple, etc. ... SVP, ne me dites pas que je me trompe à ce propos ??

Le consensus social dans le pays s’avère fragile dans cette étape, et ce à mon sens, à cause du paysage politique mal organisé et mal structuré et surtout à cause de la flagrante faiblesse constatée de notre élite politique.

Plusieurs mosquées sont désormais colonisées par les nouveaux fanatiques qui ont débarqué dernièrement sur nos terres (soit de l’extérieur du pays, soit des prisons) appelant à un islam importé radical et des pratiques tout à fait étranges et étrangères aux tunisiens connus historiquement par leur islam modéré et tolérant.

Constitution dans plusieurs régions d’une forme spéciale de «police islamique» qui fonctionne en parallèle avec la police légale communément connue. Il s’agit de جماعة الأمر بالمعروف والنهي عن المنكر (on a vu des reportages sur ces milices post-révolutionnaires à Sejnène et à Kairouan sur des chaines de TV, dont la chaine Ettounissia).

Dans ce contexte aussi, j’observe la propagation de certaines formes de «milices» dans notre chère Tunisie :

des bandes de jeunes musclés dont le rôle consiste à disperser les manifestations anti-gouvernement (Je les ai vu de mes propres eux à la Kasba !) ;

des internautes, par milliers (oui par milliers !), dont le rôle est d’attaquer tous les opposants à leurs idées... donc comme vous pouvez le constater, Il s’agit d’une nouvelle forme de terrorisme intellectuel, mais cette fois, il s’agit d’une forme Halal, ....

d’indicateurs dans les administrations publiques (plusieurs ont été déjà découverts) dont le rôle est d’établir des listes sur les fonctionnaires sympathisants et les autres opposants au gouvernement.... No comment !

Bilan culturel:

Changement remarquable dans le goût culturel du tunisien. Ceci est remarquable au niveau des thèmes de ses lectures et de ses choix de musique qui sont devenus plus restrictifs ! Même, au niveau vestimentaire, je constate la prolifération de tenues vestimentaires étranges pour les tunisiens, comme le port du «Niqab», du «Kobkab», des sandales et des «Kmiss قميص» en hiver, tout ça avec la poussée des barbes longues jusqu’à la ceinture ! Dans cet ordre d’idée,  je constate aussi que le tunisien n’a plus de distraction, ni les soirs, ni les weekends. D’ailleurs, notre championnat de football se joue désormais à hui-clos, les salles de cinéma et les amphis Théâtre sont presque inactifs ... Mon Dieu, quel bonheur !

Un spectaculaire nivellement vers le bas depuis l’avènement de la révolution, en ce qui concerne les sujets de discussion abordés dans le pays. A cet égard, je note les sujets des mères célibataires, 6ème Califat, émirat islamique, identité culturelle, liberté de la femme, allaitement des collègues dans les lieux de travail, laïcité, polygamie, mariage coutumier (Orfi), journal pour les homosexuels, excision des filles, utilité du modernisme, chariaa, niqab, salafisme, régionalisme, réforme du code des statuts personnels et non pas du code des investissements, discussions sur des slogans comme " الشعب مسلم ولن يستسلم " ! ....etc.

Un système éducatif très perturbé depuis la révolution par les grèves, les absences, la nonchalance, la violence et l’indiscipline des élèves et des étudiants dans plusieurs institutions scolaires et universitaires. Désolant !

Observation d’importantes polémiques dans plusieurs et plusieurs établissements éducatifs à cause d’un faux débat sur le port du «Niqab», et ce, sous un silence mystérieux du gouvernement... A cause de ces polémiques, on doit se rappeler toujours qu’une grande faculté à Tunis (la Faculté des lettres de Manouba) a été fermée pendant plusieurs semaines !

Ingérence abusive du gouvernement dans les choix et les goûts culturels des citoyens. Dans ce contexte, je cite en exemple la dernière déclaration du ministre chargé de la culture concernant son intention d’écarter certains chanteurs de la scène culturelle tunisienne et précisément leur présence dans le festival de Carthage ! en d’autres termes, une nouvelle dictature, n’est-ce pas ?

Bilan administratif :

Baisse vertigineuse de la productivité des agents dans nos administrations.

Dégradation regrettable du respect de la hiérarchie administrative, couplée à un flagrant manque de discipline des fonctionnaires.

Nos municipalités sont devenues très mal gérées : les ordures et les saletés nous envahissent de partout.

Nos administrations publiques qui été historiquement dirigées par une élite de cadres très compétents, qui peuvent gérer même des institutions en occident, sont envahies actuellement par de nouveaux premiers responsables, amateurs qui vont nous faire perdre certainement beaucoup, en termes de temps et d’efficacité.

Bilan de la gouvernance :

Perte fâcheuse du prestige de l’Etat, qui est une condition primordiale pour la réussite et la considération nationale et internationale.

Confiscation regrettable de notre souveraineté en matière de politique nationale étrangère.

Retard inexplicable de la part des 4 gouvernements qu’on a connu (Ghannouchi (2), Caid Essebsi et actuellement Jbeli) dans le lancement des réformes attendues par un peuple naturellement après une révolution (lancement des réformes en matière d’investissements, commerce, travail, impôts, sécurité sociale, etc...).

Pour ce qui est de la phase actuelle, j’estime que c’est vrai que le présent gouvernement a fait de bonnes déclarations d’intentions, mais à mon sens, c’est insuffisant, parce que je rappelle qu’on attend de lui, des décisions, on attend la concrétisation de ses promesses électorales, et on attend encore son annonce sur la vraie trajectoire des réformes qu’il envisage lancer... Et à cet égard, je constate après presque 2 mois de son investiture:

Le manque de clarification de sa stratégie de résolution des vrais problèmes du pays, en l’occurrence, chômage, déséquilibre régional, bonne gouvernance et relance économique ; et

L’absence d’un agenda politique clair concernant les modalités d’organisation d’élections libres et démocratiques dans notre pays à la fin de l’année 2012, comme convenu avant les élections du 23 octobre.

Accumulation de gaffes impardonnables de la part de certains nouveaux responsables qui ont instauré le doute au lieu de rassurer, de conforter et de donner des signes positifs ....

Inertie douteuse du gouvernement actuel face à la prolifération des discours incitant à la haine et à la sédition (Fitna) en Tunisie, que ce soit dans le monde réel ou dans le monde virtuel (Internet) ... A mon sens, le 1er rôle de l’actuel gouvernement devrait principalement protéger la liberté de tous les tunisiens sans exception, et à agir fermement face aux agresseurs (peu importe leur tendance politique ou idéologique). Et dans ce contexte, j’appelle vivement ce gouvernement à intervenir en urgence pour garder nos mosquées loin des instrumentalisations politiques, à rappeler tous les fautifs à l’ordre et à appliquer fermement la loi contre les contrevenants ... Il ne suffit pas de publier des communiqués sans opter pour la coercition des punissables !

Grande perte de temps de la part des élus du peuples dans la rédaction de la constitution attendue avec impatience par tous les tunisiens... Près de 4 mois sont passés sans un progrès significatif ?

Libération  incompréhensible de plusieurs milliers de criminels des prisons qui ont semé la terreur dans nos rues et qui nous ont privés de sortir le soir, de quitter les villes ou d’aller n’importe où sans avoir peur d’être agressé .... Ne me dites pas le contraire !

Conclusion :

C’est dramatique ce que nous sommes en train de faire subir à notre chère Tunisie, on assiste actuellement à une destruction massive et continue du pays au nom de la révolution. Notre Tunisie se dirige vers le chaos et l’anarchie, le bateau va doucement à la dérive et risque fortement de couler...

Je vous signale qu’on commence depuis quelque temps à entendre plusieurs tunisiens dire qu’on est en train de passer d’une dictature civile à une dictature religieuse... et dire encore "dommage pour nos 300 familles qui ont perdu leurs chers pour des objectifs non concrétisés. Ils sont morts pour RIEN" !

Plus grave encore, on entend de plus en plus de gens qui comparent la présente époque à celle de Ben Ali et que, rien au fait, n’a changé. Il y a toujours la corruption, le népotisme, les milices, l’inégalité, la justice manipulée, la gouvernance désastreuse et contre-productive, etc....

Mes chers concitoyens, j’ai honte de ce qu’est devenue à l’heure actuelle notre Tunisie, après qu’on était enviable ... Tout le monde jalousait notre paix, notre modernité, notre ouverture, l’intelligence et la compétence de nos enfants dans tous les domaines....

Miraculeusement, on a fait une énorme chute dans l'archaïsme et l’anarchie. Si nous ne faisons rien, si nous ne réagissons pas très vite, si on continue ainsi, nous ne tarderons pas à tomber dans l’aveuglement et incontestablement dans les troubles et dans le désordre total ! Et là, on sera tous plongé éternellement dans le désespoir ...

Prière mes chers concitoyens ... Soyez conscients de la gravité de la situation historique que nous traversons. Nous sommes dans un critique «Turning point», soit on avance, soit on tombe... Il n’y a pas d’autres alternatives....

Donc, essayons d’en tirer rapidement les leçons, de rectifier nos objectifs, de redéfinir nos moyens  et de sauver notre pays du chaos, qu’importe ce que cela nous coûte... Il faut qu’on réfléchisse ensemble, sans expulsion et sans rancune....Alors, s’il vous plaît, soyons positifs et unissons nous !

Chaker ATALLAH

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م
UN ARTICLE QUI ENGENDRE TOUTES LES DIFFICULTES /TOUTES LES SCENES QUOTIDIENNENT QUI NE FONT QUE CONDUIRE LA TUNISIE VERS LA DEFAILLANCE TOTALE<br /> BRAVO BEAU ARTICLE
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م
aujourd'hui le peuple tunisien a donné une bonne leçon à nahdha:si vous donnez le feu vert aux salafistes à travers vos associations pour semer la terreur ,exploiter l'impulsivité des jeunes pour<br /> transformer laTunisie en tounisten les partis de gauche ils ont derrière eux d'autres organisations et à sa tutelle UGTT PAS DE KHILEFA PAS DE TOUNISTEN PAS A TOUCHER LE STATUT DU CODE PERSONNEL<br /> PAS D HYPOCISIE PAS DE MENSONGES PAS DE .............
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J
Bravo Chaker tu as résumé toute la souffrance et l'amertume que ressente la majorité silencieuse...Tunisia become a country for sale
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M
Depuis des jours, j'appelle à l'organisation d'une grève nationale d'ici le 20 mars avec les partis politiques, les associations et les syndicats pour exiger une date fixe pour les élections, pour<br /> la rédaction de la nouvelle constitution, pour l'arrêt immédiat des agressions orchestrées par la Nahdha du salafisme.
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