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Mots & maux

Invitation à la réflexion sur des questions profondes


Soutenabilité de la dette publique de la Tunisie

Publié par Eco-Tunisie sur 21 Avril 2012, 15:05pm

 

Les pays en développement, la Tunisie n'en fait pas l'exception, ont été depuis longtemps soucieux du fameux dilemme désendettement/développement.

 Après un train de mesures drastiques, ces pays se retrouvent aujourd'hui, condamner à gérer un double handicap; le non développement et le fardeau de la dette dont une grande part à caractère odieux. L'enjeu est de taille, il dépasse, à mon sens, la théorie des jeux car il pose un vrai problème d'optimisation sous une infinité de contraintes: allouer le peu de ressources dont ils disposent entre la recherche des sentiers de développement soutenu et le remboursement de leurs dettes sans les alourdir par le recours à financement extérieur suicidaire de type Ponzi (s'endetter pour rembourser des dettes anterieures).

 La solution ne semble pas évidente car, passivité tiers-mondiste oblige, ces pays se contentent de manifester soient leurs bons accueils, soient leurs reproches aux solutions qui parviennent des pourvoyeurs des fonds sans pour autant arriver à imposer les leurs.

 La prise de conscience de l'effet dramatique d'un endettement insoutenable, les enseignements tirés de la crise économique de la Grèce, nous interpelle forcément à invoquer la problématique du financement de la dette publique, du recours systématique à l'endettement extérieur et les fameuses agences de notation cauchemardesque qu ne font qu'accélerer les problèmes et précipitent les difficultés.

 La gouvernance par l'endettement:

 S'endetter ne fera qu'accroitre l'illusion de richesse. S'endetter mais à quel prix? au prix de la dignité et de la colonisation sous sa forme la plus cruelle. La dette sous sa forme actuelle, comme l'a bien dit Thomas Sankara "est une reconquête savamment organisée de l’Afrique, pour que sa croissance et son développement obéissent à des paliers, à des normes qui nous sont totalement étrangers. Faisant en sorte que chacun de nous devienne l’esclave financier, c’est-à-dire l’esclave tout court, de ceux qui ont eu l’opportunité, la ruse, la fourberie de placer des fonds chez nous avec l’obligation de rembourser".

  Martín Lozada, décrit dans un de ses articles les conséquences de la dette extérieure, en signalant le fait que le paiement de cette dette "réduit et conditionne toute possibilité de développement des pays sous-développés, en diminuant violemment le niveau de vie des populations, en réduisant les possibilités d'emploi, et en sapant peu à peu les systèmes de santé et d'éducation des pays endettés."

 

Alors, à quoi bon payer ses dettes?

 Souvent on avance les arguments comme la crédibilité de la place, le privilège d'accès aux marchés pour lever des fonds facilement, la notoriété du pays vis à vis de l'extérieur, l'amélioration de la note sur le risque souverain..etc. Il semble, néanmoins, que ces arguments laissent entrevoir une volonté franche de perdurer le phénomène d'endettement en dépit de ses conséquences désastreuses sur les classes prolétaires.......

 Les remèdes qui tuent

 Les dix préceptes du Consensus de Washington pour venir au secours d'un pays en situation d'endettement chronique. Une ordonnance bourrée d'antalgique qui, in fine, mettra le pays à genoux.

 

1- une cure d'amaigrissement sous forme d'austérité budgétaire,

2- Action sur les dépenses publiques par une réduction des subventions,

3- Promotion d’une politique monétaire orthodoxe basée sur la libéralisation des taux d’intérêt,

4- Ouverture extérieure,

5- Libéralisation,

6- Privatisation,

7- Déréglementation,

8- Réforme fiscale,

9- Droits de propriétés notamment au profit des étrangers

 

Alors que faire

 Une solution alternative est-elle possible pour régler le problème systémique de l'endettement, principale cause des mobilisations de ces dernières semaines en Grèce, en Espagne- comme de celles à venir...Peut on imaginer un pays qui fonctionne convenablement sans endettement surtout que la théorie financière nous enseigne que l'endettement valorise l'expansion par l'effet de levier..

 Entre l'idéologie néo-libérale inscrivant le recours à l'endettement dans la logique de développement  économique des nations (optique gagnant-gagnant) et les révendications de la société civile qui voit que la " Tunisie a, plus que jamais, besoin de garder ses richesses à l’intérieur et de stopper l’hémorragie qui la saigne à l’heure actuelle afin de reconstruire son avenir sur de nouvelles bases saines (*)" la seule vérité qui se dégage c'est qu'on est en présence d'un dilemme du prisonnier, un cas célèbre de la théorie des jeux, caractérisant les situations de deux joueurs ou des agents économiques qui sont amenés chacun de leur côté à prendre des décisions qui sont indiividuellement sous-optimales et où ils auraient intérêt à coopérer pour s'en sortir à moindre dégats

 Quid de la situation d’endettement de la Tunisie

 La dette tunisienne demeure soutenable en dépit d’une BBB- (qualité moyenne inférieure, S&P), un niveau supérieur d’un cran seulement aux investissements jugés spéculatifs. Les perspectives pourraient être beaucoup meilleures après l’installation d’un gouvernement légitime (élection du 23 octobre 2011).

 Comparée aux pays avancés ou les pays à risque de défaut (Grèce, Portugal, Italie..), la Tunisie se positionne dans le lot des pays à risque faible. Toutefois, le nouveau modèle de développement ( téléchargeable) élaboré repose sur un taux de croissance de 3.5% en 2012 (contre -1.8% en 2011) et son accroissement à 7% à partir de 2015 et 8% en 2017, ainsi que la création en 2012, de 75 000 emplois dont 25 000 au sein de la fonction publique. Le déficit courant sera comprimé à 3.4% du PIB et le taux d’inflation à 3.5%, à l’horizon 2016 Pour l’année 2012,  le budget de l’Etat s’inscrit en déficit à hauteur de  6.6% et la dette publique à 46%, avec une détermination à réduire ces taux dans les années suivantes.

Le budget de l’Etat pour 2012 s’élève à 25401 MD, en accroissement de 12.6% par rapport aux estimations de 2011 et l’investissement global sera porté à 15 590 MD. Les ressources proviendront essentiellement des recettes fiscales (15066 MD), des autres ressources non-fiscales (4578 MD) qui seront couvertes notamment par des dons (600 MD), des recettes des privatisations ordinaires (100 MD), d’une partie des recettes de la privatisation de Tunisie Telecom (900 MD) et des produits des confiscations (1200 MD). L’endettement public sera de 5757 MD (contre 6679 MD comme prévu par la Loi de Finance initiale), soit au niveau de 45.9%.

La soutenabilité de la dette externe dans le contexte actuel de transition

La mobilisation de nouvelles ressources pose trois questions fondamentales qui ont trait à (i) la solvabilisation optimale des encours déjà existants, (ii) la soutenabilité des projets programmés et de la nouvelle dette à contracter et (iii) la viabilité de la dette externe cumulée qui sera d’autant plus extrêmement liée aux performances macroéconomiques exigées. Sur ce dernier point, il est clairement établi que tout plan de relance, même massif comme c’est le cas pour le nouveau programme économique et social de la Tunisie, ne peut s’avérer efficace sur la croissance qu’à moyen et long terme.

 La monétisation est-elle la solution du dilemme de la dette publique

 Depuis un certain temps, certains pays ont abandonné le financement direct du Trésor par le recours aux concours de la banque centrale et ont opté pour le financement du déficit public aux conditions prévalant sur le marché. Cette orientation, de l'aveu même de la BCE, vise à bloquer l’option d’un financement monétaire des déficits publics et rationaliser le comportement financier de l’agent économique Etat en rompant avec les choix de facilité. Il semble, toutefois, que cette orientation est sujjette à critique?

 Partant d’une hypothèse d’efficience où le recours à l’endettement public ne vient pas en compensation d’une gestion insuffisamment rigoureuse des dépenses publiques, le financement du Tresor a permis de renchérir le coût du crédit du fait de l’action qu’il exerce sur les taux d’intérêt (souscription des banques aux bons de tresor et pression sur la liquidité bancaire) et l’effet d’éviction qu’il entraine sur les agents économiques (aversion aux risques, préférence des banques pour un placement sans risque).

 Mieux encore, l’Etat recourt aux banques pour se financer. Ce faisant, il rachète sa monnaie avec intérêts du moment qu’il a abandonné le droit "régalien" de création monétaire, au profit des seules banques.

Beaucoup d’appels se sont lancés pour plaider le retour au finanement de la banque centrale à taux nul, mais semble t-il,  ce n’est pas sûr que la monétisation directe de la dette publique solutionne structurellement le dilemme de la dette publique. Pourquoi?

      Parce que:

   Les banques seront privées “d’un free lunch”/ repas gratuit dans la mesure où elles financent une contrepartie souveraine avec intérêts

  1.   L’Etat ne se considère plus comme un agent économique et partant on ne peut tolérer sa présence dans le système productif
  2.   L’alimentation de l’alea moral du fait que l’Etat dispose théoriquement d’une manne financière importante
  3.   Si l’Etat a un rôle économique, la banque centrale a un rôle strictement monétaire. Son appui à l’Etat risque de fausser sa propre politique de stabilité des prix. D’ailleurs, les politiques d'austérité exigées en période de crise ne s’analyserait pas comme un acte pour préserver la solvabilité des États mais d'éloigner la menace du financement monétaire.

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